21 février 1942. Stefan Zweig envoie le manuscrit de “Le Monde d’hier” à son éditeur. Le lendemain, désespéré par la guerre mondiale en cours, il se suicide au Véronal en compagnie de sa femme Lotte.
Plus que l’autobiographie de Zweig, “Le Monde d’Hier” est celle d’une génération entière, ébranlée par trois secousses consécutives de l’Histoire : la fin de l’Empire Austro-Hongrois, la première guerre mondiale, suivie de la seconde.
“J’ai grandi à Vienne, métropole supranationale vieille de plus de deux mille ans, et j’ai dû la quitter comme un criminel avant sa dégradation en ville de province allemande. Mon oeuvre littéraire, dans la langue où je l’ai écrite, a été brûlée et réduite en cendres, dans le pays même où mes livres avaient gagné des millions de lecteurs. Aussi je n’ai plus de place nulle part, étranger partout, hôte de passage dans le meilleur des cas; même la patrie que de mon coeur avait élue, l’Europe, est perdue pour moi depuis qu’elle se déchire et se suicide pour la seconde fois dans une guerre fratricide.”
Dans ce livre, Zweig dresse avec précision le portrait d’une époque disparue : la Vienne de la fin du 19e siècle, à l’avant de la scène artistique et littéraire. Dans des pages magnifiques, il raconte ses débuts comme écrivain, ses premières rencontres avec Hofmannsthal, Rilke, Verhaeren. Il parle aussi de ses voyages à Paris, à Londres, en Europe, avant que celle-ci ne se déchire dans la première, puis la seconde guerre mondiale, et le contraigne à l’exil.
Ma dernière lecture de Zweig datait du lycée, j’avais eu “Le joueur d’echec” au programme, et j’ai été emportée à nouveau par la voix de l’auteur, si tragiquement belle dans ce livre testament.