Le dernier livre de Gaëlle Josse ressemble à une Porsche lancée à pleine vitesse sur une route de campagne. A son bord, Vivian Maier, photographe inconnue devenue en dix années une star mondiale. L’histoire est tellement éblouissante, le récit si magnétique, je suis un lapin pris dans les phares: incapable de faire un bond critique, je meurs foudroyée par la beauté de ce livre.
La vie de Vivian Maier est fascinante. En 2007, un jeune homme achète à l’aveugle quelques cartons de pellicules dans une vente aux enchères. D’abord perplexe, John Maloof est intrigué par la beauté des clichés qu’il développe. Il cherche un nom, en trouve un griffonné au dos d’un papier : Vivian Maier.
Quand il tape son nom sur Google, Vivian Maier vient de mourir dans l’indifférence générale. Depuis les années 1950, cette bonne d’enfant photographie les crasseux, les oubliés, les marginaux rencontrés au hasard des rues. Elle va au contact, et saisit dans l’instant, dans un visage, le déroulé de toute une vie. Celle dont l’existence a été un chemin de croix ne montrera ses 120 000 photographies à personne, mais laissera ses pellicules dans des cartons empilés dans des garde-meubles. John Maloof fera d’elle une icône planétaire.
Gaëlle Josse raconte dans un livre captivant cette vie énigmatique. A l’heure où chacun cherche à attirer la lumière, à révéler sa gloire, rien de plus éclatant que la vie invisible de Vivian Maier :
“Vivian Maier est de ceux qui ne “sont” rien, qui ne demandent rien, n’attendent rien, n’exigent rien. De ceux qui subissent la façon dont va le monde, avec ses injustices, ces exclusions, ses violences. Elle est de la famille des perdus, des perdants, des abandonnés. Une effacée magnifique”.
Vivian Maier est morte en sainte dans la pauvreté, pour renaître en icône. Son destin m’éblouit par sa lumière, je crie au miracle. Touchée par la grâce, je passe ma vie sur Pinterest, à contempler les reliques de cette célèbre photographe.