Hier, j’ai appelé l’un des finalistes du prix Goncourt pour son roman “L’anomalie”, publié aux éditions Gallimard .
Il m’a raconté comment il avait écrit certaines scènes de son livre. Accrochez-vous à votre siège, ca va secouer !
Hervé Le Tellier a sélectionné dans sa bibliothèque une quinzaine de livres qui l’ont influencé ou plu, comme ceux de Romain Gary, d’Alberto Moravia, ou encore des romans policiers. Il a pris leurs incipits, et les a utilisé pour construire les débuts de chapitre de son propre roman, en les déplaçant d’un univers à l’autre, sans que ça se voie.
Il a ainsi pris le début de “La promesse de l’aube” de Romain Gary, qui parle de la plage de Big Sur dans lequel une vague flue et reflue avec des mouettes, avec des phoques, avec des nuages. Cette scénette, il l’a déplacée sur une falaise à Etretat, avec des albatros, dans une situation complètement différente, mais en essayant de conserver cette image de bruine, de froid, de vent. Cela constitue le début du chapitre intitulé “portrait de Victor Miesel en revenant”.
Pour Hervé Le Tellier, ce jeu littéraire lui permet de s’éloigner de ce qu’il écrit de manière spontanée, de rejeter le premier jet (qu’il n’aime pas trop) pour aller dans une direction qui n’est pas la sienne naturellement mais qu’il s’approprie.
Cela participe d’une réflexion sur ce que peut être la littérature. Il me dit qu’on a toujours une dette envers les romans qui ont constitué nos amours de jeunesse, et on peut rendre cette dette avec intérêt, en en prélevant une infime partie et en la transformant en autre chose.
“Faire de la littérature avec de la littérature, je trouve ça intéressant, c’est un principe de fécondité et d’hommage”, me dit-il.